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INTERVIEW

Christophe Aubel – Ligue Roc – Prendre en compte "l’individu animal" et sa "sensibilité"

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Christophe Aubel est le directeur de la Ligue ROC

Christophe Aubel, Prendre en compte "l'individu animal" et sa "sensibilité"

Univers-nature – Comment définiriez-vous la dénomination « être sensible » ?

Christophe Aubel - On peut commencer par cette idée simple: les animaux ressentent la douleur. Les possesseurs de chiens et chats le savent bien! Mais culturellement nous sommes encore trop souvent sur la notion « d’animal machine » exposée par Descartes et qui renvoie l’animal à l’équivalent d’une chose. Tous les vertébrés, mais également certains poulpes comme la science a pu le démontrer, ressentent de la douleur et peuvent souffrir. A partir de là, on ne peut les considérer ou se comporter à leur égard sans prendre en compte cette souffrance éventuelle de l’animal. Au-delà de cette seule sensation physique de ressentir la douleur, il y a aussi toute la question de savoir jusqu’où va l’intelligence animale. On a découvert par exemple que des oiseaux -sans aprler des grands singes, des cétacés…-avaient quelquefois des comportements que l’on peut qualifier d’intelligents. Même si cela surprend, c’est aussi une réalité à prendre en compte dans la réflexion qui tourne autour de la dénomination « animal sensible ». Tout en sachant qu’au quotidien, ce que l’on pointe, c’est que l’animal peut souffrir, possibilité face à laquelle nous devons adapter notre attitude. Ce n’est pas seulement en agissant sur lui que l’on peut le faire souffrir. Il peut également être dans un sentiment de mal-être, à l’image des animaux d’élevage placés dans de mauvaises dispositions. On doit tendre vers les exigences biologiques de l’animal captif. On emploie le verbe « tendre » car nous sommes dans l’impossibilité de reproduire les conditions exactes de la vie à l’état sauvage. Il ne reste pas moins qu’un animal peut souffrir de conditions, dirais-je, « carcérales ».

Vous parlez de « dépasser le fossé entre la protection des espèces et la prise en compte des individus ? ». Quels enjeux implique cette phrase ?

On se bat beaucoup pour que cette reconnaissance d’être sensible concerne aussi l’animal sauvage. Si l’on admet plus ou moins bien que l’animal domestique est un être sensible, il n’en va pas de même pour l’animal sauvage. Et le droit ignore totalement cet état de choses. Quand la loi de 1976 sur la nature a dit que l’animal était un être sensible, elle a ajouté : « son propriétaire doit… » A partir du moment où l’on parle d’un propriétaire, on exclut l’animal sauvage. Il est évident que l’on ne peut pas dire que la chèvre est sensible et que le chevreuil ne l’est pas. Aujourd’hui, la loutre est une espèce protégée mais si vous trouvez une loutre blessée, vous aurez toutes les peines du mondes à trouver une structure qui la prendra en charge malgré les efforts faits par les centre de soin (presque toujours associatifs). On est bien en pleine contradiction, la loi protège l’espèce amis l’individu de cette espèce n’est pas lui pris en compte. Passer la frontière entre protection des espèces et protection des individus, c’est aller au-delà de la seule protection des espèces en danger. Il ne faut pas oublier que la biodiversité, c’est aussi la diversité génétique et que donc elle concerne l’individu. On a besoin de préserver « un panel d’individus » parce qu’on a besoin de la richesse qu’ils représentent.

Comment se fait-il que la préservation des espèces se soit faite au détriment des individus ?

On ne peut pas dire que la protection des espèces se soit faite au détriment des individus. Simplement, on n’a pas pris en compte l’individu. Il y a des raisons objectives à cela. Lorsque les premières lois de protection de la nature sont sorties, on a voulu répondre à l’urgence des espèces qui disparaissaient. Le deuxième niveau de réponse intervient sur le caractère récent de cette prise de conscience par l’ensemble de la société que l’animal est un être sensible, surtout en France. Il a fallu toute une évolution pour que l’on réalise que l’animal n’est pas une chose. Mais surtout, il y a toujours un décalage entre cette lente prise de conscience et la mise en oeuvre par la loi. Je suis déçu, à ce stade, de l’évolution des Rencontres Animal et Société. Mais ce n’est pas fini et on va continuer à se battre. Aujourd’hui, il y a encore des gens qui pensent que, parce qu’on dit que l’animal est un être sensible, on ne pourra plus rien faire vis-à-vis des animaux sauvages, ce qui est complètement faux. Ce n’est pas parce que la loi et le code rural disent que l’animal est un être sensible que l’on ne peut plus élever et se nourrir d’animaux. Reconnaître le caractère sensible de l’animal sauvage, ce n’est absolument pas interdire la pêche ou la chasse comme certains le fantasment plus ou moins. C’est simplement prendre en compte l’animal autrement, ça obligera également à un changement de comportement.

Face au statut d’être sensible et à la prise en compte des individus, personne ne semble s’arrêter sur la pratique de la dissection sur animaux imposée en milieu scolaire par l’Education nationale.

Je pense que là aussi ça évolue. Si on compare ce qui se pratiquait et ce qui se pratique aujourd’hui, on a quand même bien évolué. Là encore c’est une histoire d’éducation. Ce n’était pas collectivement partagé que l’animal était un être sensible et que donc cela pouvait poser un problème de l’utiliser pour l’étude. Je note par expérience que cette pratique tend à disparaître en faveur de moyens modernes, notamment via la simulation informatique. J’ai assisté à des cours où l’on récupérait des restes issus de la boucherie pour observer un appareil circulatoire plutôt que de disséquer un animal. C’est une question liée à l’évolution globale des mentalités au sein de notre société, dont la prise en compte est ralentie par les nombreux autres problèmes à régler en parallèle.

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Energie

Interview : le concept Ecowatt pour lisser les pics de consommation

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Des éco-gestes simples sont à adopter pour éviter les pics de consommation

Des éco-gestes simples sont à adopter pour éviter les pics de consommation

ÉcoWatt Bretagne est une démarche éco-citoyenne et gratuite qui a pour objectif d’inciter les bretons à modérer leur consommation d’électricité, en particulier en hiver, le matin et entre 18h et 20h. Sandrine Morassi, responsable de la communication répond aux questions d’Univers Nature.

1/ Pouvez-vous nous présenter le concept d’Ecowatt ?

Le dispositif ÉcoWatt déclenche des alertes lors des périodes à risques, dans l’esprit des journées vertes, orange ou rouges de Bison futé, afin d’inviter tous les bretons à pratiquer les bons gestes énergie.
Pour recevoir gratuitement ces alertes (par mail, sms, appli mobiles…) et ainsi procéder aux Eco’gestes, il suffit de s’inscrire depuis le site internet dédié : www.ecowatt-bretagne.fr
Aujourd’hui, la démarche compte plus de 50 000 inscrits.

2/ Comment a t-il vu le jour ? Ce dispositif peut-il être étendu aux autres régions françaises ?

La démarche ÉcoWatt Bretagne a été initiée en novembre 2008 par RTE (Réseau de Transport d’Electricité), et ses partenaires (la Préfecture de Région Bretagne, le Conseil régional de Bretagne, ERDF et l’ADEME), pour répondre aux risques de coupures d’électricité en Bretagne, lors des pics de consommation.
Ce dispositif a été mis en place en raison de la fragilité électrique que connaît la Bretagne. En effet, avec une croissance de la consommation électrique supérieure à la moyenne nationale, la Bretagne est dans une situation fragile : véritable péninsule électrique, la région est située en « bout de réseau », l’électricité devant être acheminée sur de longues distances depuis les centrales principalement situées dans la vallée de la Loire. La production est par ailleurs loin de couvrir tous les besoins, la région ne produisant que 11% de l’électricité qu’elle consomme. Dans ce contexte, les risques de coupures peuvent survenir, lors des pointes de consommation en hiver, notamment en cas d’incident sur un moyen de production ou sur le réseau électrique.
Aujourd’hui, il existe en Bretagne et en région PACA (www.ecowatt-paca.fr), les deux seules régions en France qui connaissent une situation de péninsule électrique.

3/ Le but est de lisser les pics de consommation ? Comment cela fonctionne ?
Les risques de coupure interviennent lors des pics de consommation en hiver, qui ont lieu en Bretagne le matin et le soir (entre 18h et 20h). L’enjeu est donc d’inviter les bretons à procéder aux bons gestes sur ces instants, afin de contribuer à baisser ces pointes et donc à lisser la courbe de consommation sur la journée.

4/ Quels sont les résultats dont vous disposez sur les précédentes éditions ?

A titre d’exemple, nous avons pu évaluer que, lors de la vague de froid de février 2012, les effets des gestes des inscrits durant les 7 jours de froid, se sont traduits par une réduction de la consommation qui a pu atteindre jusqu’à 2 à 3% aux heures les plus chargées, l’équivalent de la consommation cumulée des villes de Quimper, Saint-Malo et Vannes.

5/ Quelles sont les principales actions que les particuliers peuvent mettre en place pour réduire leur consommation électrique ?

Pour réduire la consommation lors des pics, il existe des gestes simples à mettre en place à la maison ou sur le lieu de travail : il s’agit par exemple d’éviter pendant le temps de l’alerte d’utiliser la machine à laver, le lave-vaisselle ou le four ; pour le chauffage électrique, de baisser le thermostat…

6/ Quel rôle peuvent jouer les énergies renouvelables dans ce système ? Quelle part représentent les énergies renouvelables au niveau régional ?

Le déclenchement d’une alerte EcoWatt dépend des prévisions de consommation réalisées par RTE, à partir de plusieurs paramètres : consommation, production, disponibilité du réseau, météo. La production émise par les énergies renouvelables est donc prise en compte. Toutefois, du fait de son intermittence, cette production est plus difficilement prévisible qu’une production classique. Aujourd’hui, RTE dispose d’un outil IPES (Insertion de la Production Eolienne et photovoltaïque sur le Système). Installé dans les dispatchings (les « tours de contrôle de l’électricité »), cet outil permet de disposer d’une prévision de production éolienne et photovoltaïque heure par heure pour la journée en cours et le lendemain, en fonction des prévisions de vent et d’ensoleillement.

La production des énergies renouvelables en Bretagne en 2012 représentait 89% de la production totale d’électricité en Bretagne.

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Habitat

Interview avec Vidal Benchimol, auteur de « Vers un nouveau mode de ville»

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Le quartier BedZED à Londres, un des premiers écoquartiers européens.

Le quartier BedZED à Londres, un des premiers écoquartiers européens. Une nouvelle forme d’habitat qui se développe.

En 2007, dans un contexte de crise écologique et économique, Vidal Benchimol conçoit les « Écofaubourgs », un concept d’habitat collectif écologique. Il vient de publier l’ouvrage « Vers un nouveau mode de ville », aux Éditions Alternatives, co-écrit avec Stéphanie Lemoine qui souhaite dresser un état des lieux des tendances et un inventaire des pratiques contemporaines de la fabrique de la ville.

Votre livre s’appelle vers un nouveau mode de ville, quel est selon vous le visage de la ville contemporaine ?

En Europe, la ville contemporaine est en pleine transformation. Les élus et les urbanistes voient bien que les modèles d’aménagement fondés sur la séparation des fonctions urbaines (on mange d’un côté, on travaille ailleurs, etc.), et qui ont prévalu ces cinquante dernières années, ne marchent pas. Il faut inventer autre chose ! C’est ce à quoi s’emploie l’urbanisme durable, qui cherche à rendre la ville plus compacte, plus économe en ressources et plus solidaire

Quelles sont les principales mutations (habitat, mobilité, mode de consommation) qu’opère la ville depuis quelques décennies ? En quoi la ville évolue à l’aune des problématiques environnementales ?
Les transformations les plus visibles ces dernières années sont liées à la nécessité de maîtriser l’énergie. Dans le bâtiment, cela se traduit par l’adoption de réglementations thermiques plus contraignantes. Depuis l’an dernier, la RT 2012 oblige ainsi les maîtres d’ouvrage à concevoir des bâtiments 4 fois plus performants qu’un immeuble haussmannien. De la même manière, les métropoles cherchent de plus en plus à encourager les alternatives à la voiture, que ce soit via l’offre de transports en commun et de vélos en libre service ou l’aménagement de zones 30. L’objectif est de grignoter petit à petit l’espace dévolu à la voiture, en vue d’un meilleur partage modal.

Quels sont les principaux défis qui attendent la ville actuelle pour devenir « durable » ?
L’adaptation au changement climatique, avec ce qu’elle implique d’incertitude, est l’un des premiers défis auxquels doit s’affronter la ville contemporaine. Pour y faire face, les villes ont tout intérêt à devenir résilientes : elles doivent diversifier leurs modes de production, leur approvisionnement, et apprendre à compter sur les ressources locales. D’où les projets d’agriculture urbaine qui fleurissent un peu partout, mais aussi l’essor des circuits courts et de la consommation collaborative…

Selon vous, quelles sont les initiatives actuelles les plus pertinentes pour la fabrique de l’espace urbain ?
Toutes celles qui s’opposent à l’aménagement « autoritaire » de la ville, et conçoivent l’écologie urbaine en relation étroite avec la démocratie locale. Si la fabrique de l’espace urbain n’est pas le fruit d’une négociation, et même pourquoi pas d’un conflit fécond entre décideurs et citoyens,  elle a peu de chance de déboucher sur un cadre de vie vraiment durable.  A cet égard, l’exemple des écoquartiers nord-européens est édifiant : ceux qui parviennent le mieux à concilier qualité de vie et économie de ressources sont nés d’une implication forte de leurs habitants, et parfois d’un bras de fer corsé avec la municipalité…

Quels sont les freins actuels au développement de la ville durable ?
Ils sont nombreux ! La crise économique, qui a partiellement détourné les citoyens des enjeux écologiques, en est un. Certains voient pourtant dans cette crise une conséquence de nos choix énergétiques. La ville contemporaine est aussi de plus en plus clivée socialement. Dans ces conditions, la mixité sociale, même avec ce qu’elle a de compliqué à mettre en œuvre, devient un véritable enjeu…

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Habitat

« On ne peut plus construire aujourd’hui comme il y a quelques années ou décennies »

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Projet " Modulife" d'habitat économe en énergie. Crédit : Philippe Bovet

Projet « Modulife » d’habitat économe en énergie. Crédit : Philippe Bovet

Olivier Silder et Philippe Bovet, deux spécialistes de l’énergie et de l’habitat viennent de publier l’ouvrage «  Bâtiments performants. Des constructeurs relèvent le défi du réchauffement climatique » aux éditions Terre Vivante. Philippe Bovet a répondu aux questions d’Univers Nature sur l’enjeu que représente l’habitat dans la transition énergétique.

1/ Qu’est ce qui vous a motivé à écrire cet ouvrage ?

D’abord la rencontre avec Olivier Sidler, un des énergéticiens les plus compétents d’Europe et un excellent pédagogue pour toutes ces questions énergétiques. Ensuite connaître ces décideurs qui ont compris que la donne énergétique avait changé et qu’on ne peut plus construire aujourd’hui comme il y a quelques années ou décennies.

2/ Sur quels critères avez-vous sélectionné les bâtiments ?

Des critères essentiellement géographiques, afin que nous n’ayons Olivier et moi-même peu à nous déplacer. Tous les entretiens ont eu lieu dans un triangle Paris-Valence-Mulhouse. Olivier habite dans la Drome et moi à Bâle. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’exemples intéressants en Bretagne ou à Toulouse, mais pour nous cela évitait des déplacements inutiles et nous permettaient aussi d’être cohérents en matière d’énergie et de transports.

3/Quels sont les freins actuels à lever pour favoriser la transition énergétique dans ce secteur ?

Comme je l’explique dans l’introduction, la forte inertie des mentalités entraine une certaine difficulté pour mettre en place le changement. Aussi, on relève des freins réglementaires comme la garantie décennale (qui protège pendant 10 ans après la livraison l’acquéreur contre tout vice de construction) qui opère comme un frein à l’innovation, des freins liés à à la formation et au manque de compétences de certains corps de métiers ainsi que des difficultés de financement.

4/ Quel projet a particulièrement retenu votre attention ? Pourquoi ?

Tous sont intéressants car différents. De la maison individuelle rénovée à l’immeuble neuf de bureaux à énergie positive de la ZAC de Bonne. Cette diversité montre qu’un changement est possible dans tous les secteurs du bâti et rapidement si on le veut et si on s’en donne la peine.

5/ En moyenne, quel est le surcoût pour construire des bâtiments basse consommation ?

On doit ne pas parler de surcoût, mais de surinvestissement, mais avoir ensuite des factures énergétiques plus faibles. Il y a de multiples surcoûts acceptés et jamais remis en cause, comme les places de parkings en grande partie inutile dans les centres urbains bien desservis par les transports en commun. Ou encore une entrée d’immeuble en marbre, alors que d’autres matériaux peuvent être choisis. Et au delà, le dérèglement climatique nous oblige à agir. Quand quelqu’un se noie et qu’on doit lui jeter une bouée, on ne discute pas du prix de celle-ci.

 6/ C’est quoi pour vous un bâtiment intelligent ?

C’est avant tout un bâtiment low-tech (et non high-tech) performant. Il ne faut empiler les systèmes énergétiques et avoir des bâtiments complexes.

7/ La prochaine RT 2020 qui généralisera le Bepos est-elle une réponse suffisante pour atteindre les objectifs de réduction de CO2 fixés par la France ?

Absolument pas puisque nous émettons du CO2 selon 4 axes: l’habitat, les transports, les achats et les déchets. Le bâtiment n’est donc qu’un des 3 secteurs. De plus le bâtiment neuf ne représente qu’1% du parc annuel de logement mis en chantier, il faut absolument s’attaquer à la rénovation du parc existant.

 

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