INTERVIEW
Agriculture bio : interview du président en Ile de France
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Univers-nature – Au niveau des agriculteurs, est-ce qu’il y a une tendance maintenant vers l’agriculture bio ?
Jacques Frings - Oui depuis 1 ou 2 ans, il y a quand même un développement important de la bio qui se met en place parce que la grande distribution s’y intéresse, que c’est un appel de produits et il y a des gens qui vont s’y mettre. Il y a plusieurs personnes qui ont envie de s’y mettre, il y a ceux qui en ont marre d’utiliser des produits chimiques ou qui veulent cultiver plus propre, il y a ceux qui sont passionnés d’agronomie et qui ont comme ça, découvert qu’il y avait une autre façon de faire, et puis il y a ceux qui pensent que c’est un créneau porteur. Souvent, tout de même ce sont les gens qui sont intéressés par leur sol qui font les meilleurs agriculteurs bio.
Univers-nature – J’ ai l’impression que c’est quelque part une philosophie, une manière d’être, de penser !
Jacques Frings - Oh oui, un peu quand même !
Univers-nature – Tout à l’heure vous avez parlé d’un poulailler, de céréales, d’engrais vert, cela veut dire que vous arrivez à être quasiment autonome ?
Jacques Frings - Non, parce que par exemple pour mes poules, je leur donne de mes céréales mais j’achète en complément un aliment pour les poules pondeuses agréé bio, ça fait fonctionner une filière, quelque part j’en ai besoin aussi parce que dans ma rotation de céréales je ne peux pas faire que du blé pour le pain bio, on doit aussi faire des céréales secondaires pour allonger la rotation, pour pouvoir cultiver bio, et ces céréales il faut qu’elles soient consommées par les animaux, donc cela fait tourner une filière. Etre autonome entièrement c’est peut être un idéal, mais pour moi ce n’est pas un objectif, ce n’est pas une fin.
Univers-nature – Par rapport à l’agriculture industrielle, l’agriculture bio emploie t-elle plus ou moins de personnel, à exploitation identique ?
Jacques Frings - Ah ! Dans mon cas précis si j’étais dans la filière classique, j’aurais un peu moins de personne régulière dans l’année, mais j’aurais plus de personnes pour la récolte puisque la récolte serait 2 fois plus importante. En fait à l’unité d’hectare en bio, il faut un peu plus de personnes.
Univers-nature – Quels sont les insectes que vous redoutez ?
Jacques Frings - C’est la chenille et le ver des fruits. Pour ce type d’insecte, lorsque l’on ne fait rien, ce n’est pas économiquement viable. Par exemple les chenilles, peut-être que si leur niveau de population atteint des sommets c’est parce qu’elles ne font pas des dégâts rédhibitoires pour la survie de l’arbre, elles en consomment une partie, mais cela n’empêche pas la plante de se reproduire ; par contre à un certain niveau pour nous ce n’est acceptable car une simple morsure de chenille, lorsque la pomme est petite, va donner un fruit déformé à la récolte.
Univers-nature – Justement c’était une critique importante des produits bio qui n’étaient pas agréables à la vue.
Jacques Frings - Oui, mais cela peut être déformé au point que ça ne soit plus commercialisable ; il y a comme ça, quelques insectes dont le niveau de régulation naturel de la population est trop élevé et donc là on va intervenir même en bio, heureusement il y en a assez peu.
C’est pareil pour le ver des fruits, il n’a pas d’incidence sur la vie du végétal, au contraire c’est un bien pour la nature certainement car il accélère la maturité des fruits et donc cela en fait profiter les autres animaux qui ont des fruits mûrs plus tôt. Lui c’est comme la chenille, si l’année est un peu chaude, cela m’est arrivé dans certain coin du verger d’avoir 80% de pommes véreuses, ce n’est plus économiquement supportable. On a la chance maintenant, d’avoir un insecticide biologique, une bactérie, très spécifique au ver des fruits. Sachant que la philosophie d’abord c’est de ne pas traiter.
Univers-nature – Apparemment vous arrivez à un équilibre …
Jacques Frings - Effectivement, je pense que je suis arrivé à un équilibre assez poussé du verger, avec un environnement défavorable aux pucerons, ce qui me permet de ne faire aucun traitement. En pomme j’y arrive assez bien, en poire je fais un constat d’échec, j’ai eu une période pendant 5, 6 ans où j’ai changé mes pratiques de fertilisations qui ont été une catastrophe pour les poiriers et depuis ils ne s’en remettent pas.
Univers-nature – Pour conclure, autre chose ?
Jacques Frings - Oui, je peux dire que je me sens bien dans ce que je fais, parce que le contact avec la clientèle me permet de voir qu’elle apprécie ce que je fais et c’est un point satisfaisant. C’est valorisant de faire de la production de qualité et qu’elle ne soit pas complètement anonyme non plus donc l’aspect vente directe …
Univers-nature – Oui mettre une tête sur le client qui achète vos produits ce doit être important.
Jacques Frings - Et réciproquement quand le client me voit et me parle de mes produits c’est valorisant et très satisfaisant, même si en 20 ans on n’a pas eu des résultats économiques bons, ma foi c’est quand même satisfaisant et si les résultats économiques n’étaient pas terribles c’est parce que on avait des techniques à découvrir.
Univers-nature – Donc l’agriculture biologique actuelle arrive à un certain niveau de maturité.
Jacques Frings - Oui certainement, car il y a un peu plus de moyens qui se mettent en place, de développements et de collaborations avec les chambres d’agricultures, les techniciens, etc. Se met en place également un système d’élaboration de références qui va servir beaucoup à ceux qui arrivent, alors que lorsque l’on était 3 pékins isolés il fallait se débrouiller tout seuls. Une autre donne de l’agriculture biologique, c’est que ça fait ressortir le terroir car l’agriculteur bio doit vraiment apprendre à cultiver sa terre, la terre où il se trouve et moi lorsque des collègues viennent et veulent des conseils, je leur dis toujours, moi je peux vous dire ce que je fais mais ce sera à vous de l’adapter chez vous. Autant de balancer un engrais soluble, un pesticide, etc, ça nivelle tous les phénomènes, autant lorsque l’on cultive bio cela ressort toutes les spécificités du terroir. En fait c’est à chaque agriculteur biologique de redécouvrir des bonnes pratiques adaptées à son environnement et c’est un peu une révolution pour les agriculteurs, car on ne leur a jamais appris.
Univers-nature – Quelque part c’est une redécouverte du métier, un retour aux sources
Jacques Frings - Oui bien sûr, c’est plus difficile de faire du bio, que d’utiliser des recettes toutes faites.
Energie
Interview : le concept Ecowatt pour lisser les pics de consommation
ÉcoWatt Bretagne est une démarche éco-citoyenne et gratuite qui a pour objectif d’inciter les bretons à modérer leur consommation d’électricité, en particulier en hiver, le matin et entre 18h et 20h. Sandrine Morassi, responsable de la communication répond aux questions d’Univers Nature.
1/ Pouvez-vous nous présenter le concept d’Ecowatt ?
Le dispositif ÉcoWatt déclenche des alertes lors des périodes à risques, dans l’esprit des journées vertes, orange ou rouges de Bison futé, afin d’inviter tous les bretons à pratiquer les bons gestes énergie.
Pour recevoir gratuitement ces alertes (par mail, sms, appli mobiles…) et ainsi procéder aux Eco’gestes, il suffit de s’inscrire depuis le site internet dédié : www.ecowatt-bretagne.fr
Aujourd’hui, la démarche compte plus de 50 000 inscrits.
2/ Comment a t-il vu le jour ? Ce dispositif peut-il être étendu aux autres régions françaises ?
La démarche ÉcoWatt Bretagne a été initiée en novembre 2008 par RTE (Réseau de Transport d’Electricité), et ses partenaires (la Préfecture de Région Bretagne, le Conseil régional de Bretagne, ERDF et l’ADEME), pour répondre aux risques de coupures d’électricité en Bretagne, lors des pics de consommation.
Ce dispositif a été mis en place en raison de la fragilité électrique que connaît la Bretagne. En effet, avec une croissance de la consommation électrique supérieure à la moyenne nationale, la Bretagne est dans une situation fragile : véritable péninsule électrique, la région est située en « bout de réseau », l’électricité devant être acheminée sur de longues distances depuis les centrales principalement situées dans la vallée de la Loire. La production est par ailleurs loin de couvrir tous les besoins, la région ne produisant que 11% de l’électricité qu’elle consomme. Dans ce contexte, les risques de coupures peuvent survenir, lors des pointes de consommation en hiver, notamment en cas d’incident sur un moyen de production ou sur le réseau électrique.
Aujourd’hui, il existe en Bretagne et en région PACA (www.ecowatt-paca.fr), les deux seules régions en France qui connaissent une situation de péninsule électrique.
3/ Le but est de lisser les pics de consommation ? Comment cela fonctionne ?
Les risques de coupure interviennent lors des pics de consommation en hiver, qui ont lieu en Bretagne le matin et le soir (entre 18h et 20h). L’enjeu est donc d’inviter les bretons à procéder aux bons gestes sur ces instants, afin de contribuer à baisser ces pointes et donc à lisser la courbe de consommation sur la journée.
4/ Quels sont les résultats dont vous disposez sur les précédentes éditions ?
A titre d’exemple, nous avons pu évaluer que, lors de la vague de froid de février 2012, les effets des gestes des inscrits durant les 7 jours de froid, se sont traduits par une réduction de la consommation qui a pu atteindre jusqu’à 2 à 3% aux heures les plus chargées, l’équivalent de la consommation cumulée des villes de Quimper, Saint-Malo et Vannes.
5/ Quelles sont les principales actions que les particuliers peuvent mettre en place pour réduire leur consommation électrique ?
Pour réduire la consommation lors des pics, il existe des gestes simples à mettre en place à la maison ou sur le lieu de travail : il s’agit par exemple d’éviter pendant le temps de l’alerte d’utiliser la machine à laver, le lave-vaisselle ou le four ; pour le chauffage électrique, de baisser le thermostat…
6/ Quel rôle peuvent jouer les énergies renouvelables dans ce système ? Quelle part représentent les énergies renouvelables au niveau régional ?
Le déclenchement d’une alerte EcoWatt dépend des prévisions de consommation réalisées par RTE, à partir de plusieurs paramètres : consommation, production, disponibilité du réseau, météo. La production émise par les énergies renouvelables est donc prise en compte. Toutefois, du fait de son intermittence, cette production est plus difficilement prévisible qu’une production classique. Aujourd’hui, RTE dispose d’un outil IPES (Insertion de la Production Eolienne et photovoltaïque sur le Système). Installé dans les dispatchings (les « tours de contrôle de l’électricité »), cet outil permet de disposer d’une prévision de production éolienne et photovoltaïque heure par heure pour la journée en cours et le lendemain, en fonction des prévisions de vent et d’ensoleillement.
La production des énergies renouvelables en Bretagne en 2012 représentait 89% de la production totale d’électricité en Bretagne.
Habitat
Interview avec Vidal Benchimol, auteur de « Vers un nouveau mode de ville»
En 2007, dans un contexte de crise écologique et économique, Vidal Benchimol conçoit les « Écofaubourgs », un concept d’habitat collectif écologique. Il vient de publier l’ouvrage « Vers un nouveau mode de ville », aux Éditions Alternatives, co-écrit avec Stéphanie Lemoine qui souhaite dresser un état des lieux des tendances et un inventaire des pratiques contemporaines de la fabrique de la ville.
Votre livre s’appelle vers un nouveau mode de ville, quel est selon vous le visage de la ville contemporaine ?
En Europe, la ville contemporaine est en pleine transformation. Les élus et les urbanistes voient bien que les modèles d’aménagement fondés sur la séparation des fonctions urbaines (on mange d’un côté, on travaille ailleurs, etc.), et qui ont prévalu ces cinquante dernières années, ne marchent pas. Il faut inventer autre chose ! C’est ce à quoi s’emploie l’urbanisme durable, qui cherche à rendre la ville plus compacte, plus économe en ressources et plus solidaire…
Quelles sont les principales mutations (habitat, mobilité, mode de consommation) qu’opère la ville depuis quelques décennies ? En quoi la ville évolue à l’aune des problématiques environnementales ?
Les transformations les plus visibles ces dernières années sont liées à la nécessité de maîtriser l’énergie. Dans le bâtiment, cela se traduit par l’adoption de réglementations thermiques plus contraignantes. Depuis l’an dernier, la RT 2012 oblige ainsi les maîtres d’ouvrage à concevoir des bâtiments 4 fois plus performants qu’un immeuble haussmannien. De la même manière, les métropoles cherchent de plus en plus à encourager les alternatives à la voiture, que ce soit via l’offre de transports en commun et de vélos en libre service ou l’aménagement de zones 30. L’objectif est de grignoter petit à petit l’espace dévolu à la voiture, en vue d’un meilleur partage modal.
Quels sont les principaux défis qui attendent la ville actuelle pour devenir « durable » ?
L’adaptation au changement climatique, avec ce qu’elle implique d’incertitude, est l’un des premiers défis auxquels doit s’affronter la ville contemporaine. Pour y faire face, les villes ont tout intérêt à devenir résilientes : elles doivent diversifier leurs modes de production, leur approvisionnement, et apprendre à compter sur les ressources locales. D’où les projets d’agriculture urbaine qui fleurissent un peu partout, mais aussi l’essor des circuits courts et de la consommation collaborative…
Selon vous, quelles sont les initiatives actuelles les plus pertinentes pour la fabrique de l’espace urbain ?
Toutes celles qui s’opposent à l’aménagement « autoritaire » de la ville, et conçoivent l’écologie urbaine en relation étroite avec la démocratie locale. Si la fabrique de l’espace urbain n’est pas le fruit d’une négociation, et même pourquoi pas d’un conflit fécond entre décideurs et citoyens, elle a peu de chance de déboucher sur un cadre de vie vraiment durable. A cet égard, l’exemple des écoquartiers nord-européens est édifiant : ceux qui parviennent le mieux à concilier qualité de vie et économie de ressources sont nés d’une implication forte de leurs habitants, et parfois d’un bras de fer corsé avec la municipalité…
Quels sont les freins actuels au développement de la ville durable ?
Ils sont nombreux ! La crise économique, qui a partiellement détourné les citoyens des enjeux écologiques, en est un. Certains voient pourtant dans cette crise une conséquence de nos choix énergétiques. La ville contemporaine est aussi de plus en plus clivée socialement. Dans ces conditions, la mixité sociale, même avec ce qu’elle a de compliqué à mettre en œuvre, devient un véritable enjeu…
Habitat
« On ne peut plus construire aujourd’hui comme il y a quelques années ou décennies »
Olivier Silder et Philippe Bovet, deux spécialistes de l’énergie et de l’habitat viennent de publier l’ouvrage « Bâtiments performants. Des constructeurs relèvent le défi du réchauffement climatique » aux éditions Terre Vivante. Philippe Bovet a répondu aux questions d’Univers Nature sur l’enjeu que représente l’habitat dans la transition énergétique.
1/ Qu’est ce qui vous a motivé à écrire cet ouvrage ?
D’abord la rencontre avec Olivier Sidler, un des énergéticiens les plus compétents d’Europe et un excellent pédagogue pour toutes ces questions énergétiques. Ensuite connaître ces décideurs qui ont compris que la donne énergétique avait changé et qu’on ne peut plus construire aujourd’hui comme il y a quelques années ou décennies.
2/ Sur quels critères avez-vous sélectionné les bâtiments ?
Des critères essentiellement géographiques, afin que nous n’ayons Olivier et moi-même peu à nous déplacer. Tous les entretiens ont eu lieu dans un triangle Paris-Valence-Mulhouse. Olivier habite dans la Drome et moi à Bâle. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’exemples intéressants en Bretagne ou à Toulouse, mais pour nous cela évitait des déplacements inutiles et nous permettaient aussi d’être cohérents en matière d’énergie et de transports.
3/Quels sont les freins actuels à lever pour favoriser la transition énergétique dans ce secteur ?
Comme je l’explique dans l’introduction, la forte inertie des mentalités entraine une certaine difficulté pour mettre en place le changement. Aussi, on relève des freins réglementaires comme la garantie décennale (qui protège pendant 10 ans après la livraison l’acquéreur contre tout vice de construction) qui opère comme un frein à l’innovation, des freins liés à à la formation et au manque de compétences de certains corps de métiers ainsi que des difficultés de financement.
4/ Quel projet a particulièrement retenu votre attention ? Pourquoi ?
Tous sont intéressants car différents. De la maison individuelle rénovée à l’immeuble neuf de bureaux à énergie positive de la ZAC de Bonne. Cette diversité montre qu’un changement est possible dans tous les secteurs du bâti et rapidement si on le veut et si on s’en donne la peine.
5/ En moyenne, quel est le surcoût pour construire des bâtiments basse consommation ?
On doit ne pas parler de surcoût, mais de surinvestissement, mais avoir ensuite des factures énergétiques plus faibles. Il y a de multiples surcoûts acceptés et jamais remis en cause, comme les places de parkings en grande partie inutile dans les centres urbains bien desservis par les transports en commun. Ou encore une entrée d’immeuble en marbre, alors que d’autres matériaux peuvent être choisis. Et au delà, le dérèglement climatique nous oblige à agir. Quand quelqu’un se noie et qu’on doit lui jeter une bouée, on ne discute pas du prix de celle-ci.
6/ C’est quoi pour vous un bâtiment intelligent ?
C’est avant tout un bâtiment low-tech (et non high-tech) performant. Il ne faut empiler les systèmes énergétiques et avoir des bâtiments complexes.
7/ La prochaine RT 2020 qui généralisera le Bepos est-elle une réponse suffisante pour atteindre les objectifs de réduction de CO2 fixés par la France ?
Absolument pas puisque nous émettons du CO2 selon 4 axes: l’habitat, les transports, les achats et les déchets. Le bâtiment n’est donc qu’un des 3 secteurs. De plus le bâtiment neuf ne représente qu’1% du parc annuel de logement mis en chantier, il faut absolument s’attaquer à la rénovation du parc existant.