Climat
Capture du CO2 par les océans : la nature plus efficace que l’homme
Depuis plus dun siècle, un tiers du carbone rejeté dans latmosphère, par les activités humaines, est prélevé par les océans, faisant de ceux-ci le principal puits de carbone de la planète. Techniquement, 2 mécanismes assurent cette fonction de séquestration du CO2 :
– la pompe physique, qui entraîne les eaux de surface chargées en gaz carbonique dissous vers des couches plus profondes, où il se trouve isolé de latmosphère ;
– la pompe biologique, qui fixe du carbone soit dans les tissus des organismes via la photosynthèse, soit dans les coquilles calcaires de certains micro-organismes. Une partie du carbone ainsi fixé est ensuite entraînée en profondeur sous forme de déchets ou de cadavres.
Or, si ces mécanismes de capture sont relativement bien connus, seule la pompe physique participe au piégeage de ce surplus de carbone, son homologue biologique continuant à fonctionner comme avant le début de lère industrielle, sans pour autant être à son maximum. Cette activité biologique serait même au ralenti du fait dune pénurie en micro-organismes dans de vastes étendues marines, à limage de locéan Austral, globalement très pauvre en phytoplancton malgré des eaux extrêmement riches en sels nutritifs.
Ainsi, trouver pourquoi ces micro-organismes ne prolifèrent pas permettrait peut-être de pouvoir augmenter le pouvoir dabsorption des océans.
Si lon sait aujourdhui que les algues sont carencées en fer et que lajout de petites quantités de fer permet daugmenter leur multiplication, lexistence dun transfert de carbone vers les profondeurs, suite à cette intervention, na pas été clairement établie et laisse penser que la pompe biologique ne sactive pas davantage.
Dans ce contexte une campagne, dénommée KEOPS (1), a été lancée en 2005 pour étudier la poussée phytoplanctonique naturelle dans la zone des îles Kerguelen, situées dans locéan Austral, où lon assiste chaque année à une floraison estivale très localisée du phytoplancton. Les chercheurs ont ainsi pu démontrer que cette poussée phytoplanctonique est bien alimentée par un apport continu et naturel de fer aux eaux de surface (2). Ce constat réalisé, la fertilisation naturelle a été comparée aux ajouts de fer artificiel, avec un résultat sans appel : le transfert de carbone vers les profondeurs est au moins 2 fois inférieur dans le cas dune fertilisation artificielle.
Installation d’une pompe immergeable sur le câble du Marion Dufresne. Cette pompe permet de collecter les particules à plusieurs centaines de mètres de profondeur et de calculer la quantité de carbone qui est exportée sous la couche de surface
Installation d’une pompe immergeable sur le câble du Marion Dufresne. Cette pompe permet de collecter les particules à plusieurs centaines de mètres de profondeur et de calculer la quantité de carbone qui est exportée sous la couche de surface
Ces découvertes viennent troubler les propositions de certaines sociétés de géo-ingénierie climatique qui prétendent pouvoir remédier à laugmentation du CO2 atmosphérique par une manipulation délibérée de la pompe biologique, avec un ajout artificiel en fer. En effet, le mode daddition (continue et lente) et la forme chimique du fer ajouté au cours du processus naturel le rendent inimitable. Enfin, lefficacité de telles manipulations reste impossible à quantifier et leurs effets secondaires sur les ressources marines demeurent largement inconnus (3).
A noter que la revue Nature, du 26 avril 2007, publiera plus en détail les résultats de ces recherches menées par léquipe de scientifiques dirigée par Stéphane Blain, chercheur au laboratoire docéanographie et de biogéochimie de Marseille (LOB/COM, CNRS/Université Aix-Marseille 2).
Photo © KEOPS / CNRS 2007
1 – Le programme KEOPS (KErguelen Ocean and Plateau compared Study) bénéficie de la participation de seize laboratoires de recherche : français, australien, belge et néerlandais.
Pour en savoir plus, sur le programme KEOPS (en anglais).
Voir le carnet de bord de la campagne océanographique (en français).
2 – Ce fer provient des eaux profondes, différents mécanismes de transport participant à le rendre disponible pour le phytoplancton vivant en surface.
3- Voir sur ce sujet : La hausse du CO2 compromet le développement des moules et huîtres et L’acidification des océans menace les organismes marins
ACTUALITE
Le drapeau du réchauffement climatique
A chaque vague de froid hivernal, les climatosceptiques sont de sortie : le pare-brise de leur voiture est recouvert de givre, ce qui serait donc la preuve irréfutable que le réchauffement climatique est une invention destinée à servir les intérêts d’on ne sait quelle organisation mondiale secrète. Bref, « on » nous ment.
Evidemment, ces personnes font en réalité une confusion entre la météo et le climat. La météo s’apprécie à un instant t, dans un endroit donné. Il y a tout juste un mois par exemple, la Corse connaissait un épisode neigeux surprenant. Un phénomène étonnant, certes, mais qui ne traduit pas pour autant un refroidissement de la planète. Ici, nous parlons de météo. En revanche, lorsque durant tout le XXe siècle, les relevés de température partout sur la planète augmentent de 0,6°C, on peut parler d’une tendance au réchauffement climatique global, malgré des épisodes ponctuels météorologiques comme celui vécu par les Corses il y a quelques semaines.
Comment illustrer ce phénomène simplement, le plus simplement possible, pour pouvoir facilement l’expliquer aux plus sceptiques d’entre nous ? Ed Hawkins, climatologue et professeur de science du climat à l’Université de Reading au Royaume-Uni, a imaginé une méthode de modélisation ludique du changement global : la création, pour chaque pays, d’un drapeau de son réchauffement.
Le réchauffement mondial illustré
Le chercheur s’est appuyé sur une base de données mondiale qui compile tous les relevés de température effectués partout sur la Terre depuis 1901. Lors du XXe siècle, il a calculé la moyenne des températures pour chaque région du globe puis, pour chaque année (et en fonction de la moyenne précédemment établie), il a attribué une couleur : du bleu très clair (conforme à la moyenne du XXe siècle) au rouge très foncé (qui traduit une hausse marquée par rapport à cette même moyenne). Chaque année est alors représentée par une bande, bandes qui sont accolées les unes aux autres pour créer le « drapeau du réchauffement » de chaque zone du globe, qui sont tous consultables sur https://showyourstripes.info/
Le drapeau du réchauffement en France
Le résultat est accablant. Quel que soit le pays ou la région du monde que l’on sélectionne, le résultat est similaire : bleuté à gauche et rouge vif à droite, traduisant une sévère agitation de tous les thermomètres du monde, et prouvant par-là même le réchauffement climatique.
Plus simple, c’est impossible : Donald T., si tu nous lis…
ACTUALITE
Le taux de CO2 intègre la météo britannique
Cela n’a l’air de rien, quelques centimètres carré de rien du tout dans un journal qui compte des dizaines de pages, mais cela s’apparente pourtant à une révolution : depuis une dizaine de jours, le Guardian, l’un des quotidiens britanniques les plus réputés, propose à ses lecteurs la concentration en CO2 dans notre atmosphère au sein de son encart « météo ». Mais pas la concentration du Grand Londres non, la concentration mondiale telle qu’elle est mesurée quotidiennement à Hawaii, à l’observatoire de Mauna Loa. Là-bas, au coeur du Pacifique, le taux de CO2 y est mesuré depuis 1958. A l’époque, il s’établissait à 315 parties par million (ppm), encore loin du seuil considéré comme « gérable à long terme » de 350 ppm.
Seulement voilà, depuis, l’activité humaine n’a cessé de croître, de même que notre recours aux énergies fossiles, avec un résultat largement prévisible : le taux de CO2 atmosphérique est désormais de 412 ppm, largement au-dessus des 350 ppm « gérables », supérieur à 2013 (400 ppm), et à mille lieues des 280 ppm estimées à l’ère pré-industrielle. Dans des paroles rapportées par Le Monde, la rédactrice en chef du Guardian justifie ce choix éditorial inédit :
« Les niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ont augmenté de façon si spectaculaire. Inclure une mesure de cette augmentation dans notre bulletin météorologique quotidien montre ce que l’activité humaine fait à notre climat. Il faut rappeler aux gens que la crise climatique n’est plus un problème d’avenir. Nous devons nous y attaquer maintenant, et chaque jour compte. »
En présentant chaque jour à ses millions de lecteurs une donnée scientifique incontestablement liée au changement climatique, The Gardian entend ne pas perdre de vue l’ambitieux objectif mondial de réduction de moitié des émissions de CO2 d’ici 2030, pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Ne soyons pas pessimistes bien sûr, mais il faut bien reconnaître que cela semble bien mal parti.
Au fait, à quand un journal français qui reprendrait la démarche du Guardian ?
ACTUALITE
Game of Thrones : Réchauffement climatique is coming
Cette nuit, Game of Thrones, la série phénomène, a repris après deux ans d’absence pour présenter son ultime saison. Sept épisodes que plus d’un milliard de personnes (si l’on en croit les chiffres qui concernent les visionnaires illégaux sur internet à chaque épisode) vont s’empresser de dévorer et de commenter pour enfin obtenir une réponse à cette question qui les taraude depuis 2011 et la diffusion du premier épisode de la série : Qui finira donc par prendre place sur le Trône de fer pour gouverner les Sept royaumes ?
Sans attendre la diffusion, des dizaines de théories ont été développées par des fans plus ou moins sérieux et, parmi celles-ci, une semble avoir retenu l’attention du Gouvernement. Cette théorie voudrait que la série soit en fait une métaphore de notre réalité et de notre attitude vis à vis des dangers environnementaux qui pèsent sur nous, au premier rang desquels le réchauffement climatique. « Winter is coming » (ou « l’Hiver arrive »), la plus célèbre réplique de la série, qui annonce l’arrivée imminente d’une intense période glaciaire accompagnée d’innombrables malheurs pour nos personnages préférés, préviendrait en fait contre le réchauffement climatique. Et la lutte de pouvoir des maisons Stark, Targaryen, Lannister pour accéder au mythique Trône de fer plutôt que de se préoccuper de la menace approchant, les Marcheurs Blancs, serait une parabole de la propension de nos dirigeants à ne pas voir plus loin que le bout de leur nez et à favoriser des intérêts particuliers paraissant bien ridicules face aux enjeux globaux qui s’annoncent.
Brune Poirson, ministre de la Transition écologique et solidaire, et ses équipes semblent avoir bien intégré cette théorie, au point que la ministre propose depuis hier, veille de reprise de la série, et alors que l’excitation médiatique est au summum, une vidéo inspirée de Game of Thrones, et mettant en garde contre le réchauffement climatique. Sur des images de la série, la responsable politique pose sa voix : « Une grande menace pèse sur l’humanité. Certains en doutent, on peut le regretter. Même si les hivers peuvent paraître un peu plus rigoureux, un peu plus froids à certains endroits, il y en a d’autres où ce n’est pas le cas. Nous devons nous battre, nous battre pour endiguer cette menace qui monte et nous unir tous pour lutter contre le vrai mal, le seul qui doit unir l’humanité : le réchauffement climatique ». Et en guise de conclusion, l’accroche « Le réchauffement climatique is coming », écrit dans la police propre au show américain.
Succès garanti sur les réseaux sociaux. Et dans les comportements quotidiens futurs ?
Photo : Compte Twitter de Brune Poirson